Evénementiel Sportif: la problématique de la répartition des richesses

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Afin d’apporter un autre regard et une autre expertise, il m’a semblé intéressant de faire appel à Lionel Maltese.

Maitre de conférences, organisateur d’évènements comme l’Open 13, consultant Stratégie et Communication Evenementielle Sportive, les domaines d’expertises de Lionel Maltese sont :

Pour cette première nous avons abordé le business model des évènements sportifs et les problèmes de répartition de valeur organisateur/sportif.

Définition du modèle économique d’un évènement sportif

En matière d’évènementiel il est possible de segmenter les manifestations en 2 en utilisant comme critère celui du modèle économique.

Segment n°1 Les évènements hyper-médiatisés (10% des évènements) : on retrouve ici les évènements majeurs tels que la Coupe du Monde de Football, le SuperBowl, la Coupe du Monde de Rugby, les Jeux Olympiques, la Champions League ou encore la Coupe d’Europe de Football. On peut également les nommer megaevents.

Le financement de ces évènements se réalise en grande partie par les droits TV.  Par exemple, dans le cas de Roland Garros, très souvent on pense que le partenaire principal (en termes d’investissement) de l’événement est BNP Paribas, alors que c’est France Télévision. La participation du groupe audiovisuel représente environ 30% du budget de Roland Garros (45 millions d’€ sur un budget de 150 millions d’€.)

Ces droits TV/Médias [1] ont une répercussion directe sur :

  • le sponsoring, puisque la décision de parrainage est fortement liée à l’exposition offerte par l’événement
  • la billetterie, car l’exposition médiatique d’un événement permet d’attirer plus de monde au stade.

Afin de ne pas être trop dépendant des droits tv, les organisateurs d’évènements essaient de développer au mieux leurs revenus liés à la billetterie. Cela passe notamment par la construction de nouvelles enceintes ou l’agrandissement d’enceintes déjà existantes (cf. les pays organisateurs pour obtenir l’organisation d’une megaevent type coupe du monde).

Ce modèle est basé sur la réputation. C’est celle-ci qui permet à l’évènement d’obtenir différents revenus.

C’est un modèle exclusif. Par exemple, en France, il ne concerne que le Football ou Roland Garros qui sont des évènements majoritairement dépendant des droits TV, à la différence du TOP 14  qui dépend actuellement plus du sponsoring que des droits TV.

 

Segment n°2 Les autres évènements (90% des évènements): Il s’agit du reste. Ce sont des évènements plus locaux dont les principaux financements proviennent du sponsoring. C’est notamment le cas des clubs de rugby, des tournois ATP tels que l’Open 13 ou l’Open de Nice. Dans ce modèle, on retrouve également un modèle hybride avec des évènements qui disposent d’infrastructures qui leur permettent d’obtenir des revenus importants de billetterie avec notamment des prestations d’hospitalité.

En résumé ce modèle est basé sur le relationnel.

 

Comment monter un événement ?

L’économie dans le sport est faite de façon à rémunérer au mieux les principaux acteurs à savoir les sportifs.

Les droits médias sont d’autant plus forts que le niveau du tournoi est élevé. Hormis les évènements soutenus par un mécène, il est pratiquement impossible de rencontrer un événement avec un plateau sportif de premier niveau sans droit tv.

Quelles sont les étapes dans l’organisation d’un événement sportif ?

1 La constitution du plateau sportif : celui-ci a un coût. Par exemple, pour un événement comme l’Open 13, il faut compter 1 million de dollars pour attirer un athlète comme Roger Federer, ce qui est conséquent pour un événement avec un budget de 4.2 millions d’euros (dont 250k de droits tv).

Pour la constitution du plateau sportif les organisateurs veillent à avoir un bon mix entre athlètes reconnus et sportifs locaux.

2 Les services d’hospitalité : Une fois le plateau sportif défini, il est alors possible d’établir les offres pour les partenaires (visibilité, hospitalité/RP) et celles pour le public et les médias.

3 La partie Commerciale : Après avoir constitué le plateau sportif et défini les différentes offres, on entre dans la prospection commerciale (6 mois avant l’événement) et la mise en place de la billetterie (2 mois avant le tournoi).

4 Le recrutement d’intérimaires et aménagement de l’évènement

 

Nadal et Federer lors de la promotion du tournoi de Doha 2010

Quelle part pour le sportif ?

En moyenne, 33% du budget des tournois est consacré aux athlètes (sur les tournois ATP), ce chiffre tombe à 5% pour les tournois du Grand Chelem.

Les athlètes ont exprimé plusieurs fois leur mécontentement, comme lors des tournois d’Indian Wells et avant Roland Garros afin qu’une plus grande partie des budgets leur soit consacrée.

Les joueurs réclamaient pour l’édition 2012 de Roland Garros un minimum de 12% du budget soit 22 millions d’euros en menaçant de grève.  Ils ont obtenu au final 18,72 millions, soit 7% de plus de ce qu’ils avaient perçu en 2011.

A titre de comparaison, le budget de l’Olympique de Marseille lors de la saison 2011-2012 était de 150 millions d’euros. Plus de la moitié de ce budget a été alloué aux athlètes puisque la masse salariale du club représentait 82 millions d’euros (+54%). En NBA, la rémunération des athlètes représente 48% des budgets.

Dans le tennis, il convient de séparer les tournois ATP 250, 500 des tournois ATP 1000 et ceux du Grand Chelem.

En effet, lors des tournois ATP 250 et 500, les organisateurs ont le droit de verser une garantie aux sportifs en plus de l’éventuel Prize Money.

Cette garantie permet de convaincre l’athlète de participer au tournoi. Dans le cas de Nadal/Federer ou Djokovic il faut une garantie d’1 million de dollars, pour des athlètes comme Murray il faut compter entre 350 et 400 000 euros (250 000 euros pour Tsonga).

Ces garanties sont d’ailleurs supérieures au prize money de la plupart des tournois ATP 250/500. Par exemple, lors de l’Open 13, le prize money est de 80 000 euros.

Ce système permet à des tournois 250/500[2], soutenus par des mécènes, de s’assurer la présence des 3 premiers mondiaux, soit un investissement de 3 millions de dollars juste pour ces joueurs.

En revanche lors des tournois du grand chelem et les tournois 1000 cette pratique est interdite. Les athlètes sont donc rémunérés exclusivement en fonction de leur performance.

 

Quel contrôle sur les sportifs ?

Bien que le résultat sportif et la qualité du spectacle soient incertains, les athlètes sont les acteurs principaux. Les différents menaces de grèves sur des évènements majeurs (NBA, Roland Garros, etc.) soulèvent la question du contrôles des ressources dans le sport.

Dans les clubs, il y a un pouvoir de contrôle plus fort que sur les évènements, notamment grâce au coaching (faire jouer l’athlète ou non), au versement d’un salaire, voire l’indexation du salaire sur la performance comme le fait l’AS Saint-Etienne. C’est beaucoup plus complexe dans le cadre de l’organisation d’évènements sportifs.

 

 Jean Claude Blanc, actuel directeur général du PSG, pourrait sans doute témoigner dans ce sens… ce dernier avait du négocié avec André Agassi l’horaire d’une rencontre. Celle-ci avait été programmée par l’organisation de Roland Garros pour être en accord avec les droits TV Américains. Le sportif souhaitait jouer plus tard pour des raisons sportives… au final c’est André Agassi qui a eu gain de cause. 

Les tennismen réclament 2 choses :

  • une répartition de la valeur plus équilibrée comme c’est le cas dans le rugby, le football etc.… (cf. les 5%)
  • un meilleur calendrier (on a 3 ans de blessures sur 10 ans de carrière professionnelle) avec de nombreux voyages

Cependant le tennis présente un certain paradoxe. En effet, l’ATP et la WTA gèrent à la fois les intérêts des sportifs et ceux des organisateurs, alors que ceux-ci sont opposés. C’est un cas unique. On devrait voir apparaître dans le tennis un syndicat de joueur comme c’est le cas dans le football et le rugby.

Qu’en pensez-vous? 

 

Merci à Lionel Maltese pour sa disponibilité.

Crédits photos: FFT / REUTERS / Qatar Tennis Federation via Daylife


[1] On parle ici de médias traditionnels car, pour le moment, les revenus générés par internet ou les droits mobiles sont encore insignifiants

[2] Doha, Acapulco ou Memphis

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Maxence Karoutchi

Créateur de Sportbizinside, je suis passionné par les défis à l’international, le Rugby et l'industrie du Sport. Agent Sportif (FFR n°067) j’accompagne des sportifs professionnels dans la gestion de leur carrière sportive et de leur image.

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