Cette semaine, je souhaite aborder l’utilisation des musées sportifs comme vecteurs complémentaires de recettes pour les clubs et les fédérations sportives.
Pour en savoir plus, j’ai pris contact avec Nicolas Lopez Fagundez responsable développement de Museos Deportivos.
Museos Deportivos est l’unique entreprise au monde spécialisée dans la construction de musée sportif.
Cette entreprise argentine a en outre réalisé les musées de Boca Juniors (2001), de la Confédération sud-américaine de football (2009), et de River Plate (2009).
Nicolas a notamment travaillé au Real Madrid, au début de la première ère des Galactiques, lors de la professionnalisation du club (inspiré du modèle de Manchester United) et de la construction de la « Ciudad Deportiva ».
Les Clubs sportifs lieux d’intérêts touristiques
En 2010, plus de 1,3 million de personnes ont visité le musée du FC Barcelone (hors match), ce qui lui permet de se classer comme le 3e musée le plus visité d’Espagne derrière le Prado (2,7 millions) et le musée de la Reina Sofia (2,3 millions).
Le Real Madrid a pour sa part comptabilisé plus de 700 000 visites, et en Angleterre le musée de Manchester United a reçu plus de 300 000 personnes.
Face à ces chiffres, et en prenant en compte l’attitude d’un touriste passionné de sport, on peut dire que les clubs sportifs sont des lieux touristiques incontournables.
Pour le FC Barcelone, les entrées simples au musée représentent environ 13 millions d’euros de recettes[1], soit plus de 10% des revenus commerciaux du club (sponsoring, merchandising)[2].
Mais avant de présenter les débouchés qu’offrent les musées sportifs, je souhaite vous faire connaître la vision de Museos Deportivos.
La Vision Museos Deportivos
Lors de notre entretien, Nicolas a tenu à souligner l’importance pour Museos Deportivos de changer le concept actuel des musées sportifs.
Il s’agit de transformer les musées sportifs en lieux de divertissement, et d’en faire en quelque sorte des « Disneyland du sport ».
Mais pour cela il est important de faire tomber deux mythes.
Le premier est celui du fan visiteur. Les clubs sportifs et les fédérations doivent comprendre que les fans ne peuvent pas être le public visé par les musées sportifs.
Les fans inconditionnels sont certes les premiers à visiter le nouveau musée de leur club favori, mais ils ne sont pas représentatifs de la majorité des visiteurs.
En moyenne, 70% de l’affluence vers les musées sportifs est touristique; il s’agit de personnes qui ne sont pas forcement fans du club ou du sport à la base.
Le second mythe est de penser que les visiteurs du musée viennent voir une exposition de maillots et d’objets historiques. Or, cela s’avère rapidement ennuyeux pour les visiteurs et coûteux en termes de recherches.
La stratégie de Museos Deportivos consiste donc à surprendre les visiteurs en leur proposant une expérience unique et divertissante, avec des contenus différents de ceux auxquels ils peuvent s’attendre.
Comment se traduit cette vision au sein des musées de Boca Juniors et de River Plate ?
L’objectif du musée de Boca Juniors est de faire sentir aux visiteurs la sensation d’assister à un match de foot au sein de la Bombonera, car il est aujourd’hui très compliqué de pouvoir assister à un match au sein de Boca Juniors à domicile (toutes les places sont réservées aux socios du club).
Le musée permet également aux visiteurs de vivre, lors d’un film en 360°, dans une salle en forme de ballon de football, l’expérience d’un jeune joueur qui passe de footballeur du quartier de la Boca à idole de la Bombonera.
Le musée joue également sur la rivalité du club avec les clubs brésiliens (80% des visiteurs sont brésiliens) en leur rappelant des moments de souffrance face à Boca Juniors. Cela se fait lors d’une vidéo, et avec une rediffusion de la dernière victoire de Boca Juniors contre Gremio en copa libertadores présentée en 180° sur 4 écrans.
Dans celui de River Plate, il s’agit d’un voyage dans le temps, avec une animation d’introduction digne d’Eurodisney, mêlant à la fois l’histoire du club à l’histoire argentine. Cela permet aux visiteurs de connaître, en plus des personnages emblématiques du club, des figures historiques argentines comme Peron et Fangio.
Le Musée de River Plate propose également un film en 360° HD, dans une salle en forme de ballon de football, où des joueurs connus dans le monde entier parlent du club, qu’il s’agisse de joueurs du passé ou du présent comme par exemple Norbeto Alonso, Mascherano, Higuain…
Côté investissement, le musée de Boca Juniors a coûté 2,3 millions de dollars. Les coûts ont été en grande partie absorbés par Museos Deportivos grâce à un système de concession en vigueur jusqu’en 2014.
Mais Nicolas m’a expliqué qu’il est possible de bénéficier de l’appui des sponsors pour financer l’investissement comme ce fut le cas avec adidas qui, en échange de son apport, dispose d’une boutique de 200 m2 à l’intérieur du musée de River Plate, dont la construction est revenue à 5 millions de dollars.
Il est également possible de réaliser des musées beaucoup moins coûteux, comme cela a été le cas avec le club de basket de Libertad Sunchales (500 000 dollars).
Côté résultats, le musée de Boca Juniors compte plus de 300 000 visites par an, ce qui en fait un des lieux les plus visités d’Amérique Latine, et rapporte avec les entrées environ 3 millions de dollars par an.
Le musée de River Plate reçoit 100 000 visites et fait figure de référence en matière d’innovation technologique. Cela permet à Museos Deportivos d’être aujourd’hui en contact avec Wembley, San Siro, le FC Barcelone et le Real Madrid pour le développement de projets similaires.
Les apports des musées
En plus de générer de nouvelles sources de revenus liées aux visites et à l’achat de produits derivés, les musées sportifs permettent de :
- Créer un impact auprès de potentiels sponsors, car ils offrent une exposition différente,
- Développer l’image du club à l’international, acquérir de nouveaux fans et diffuser la culture et les valeurs du club,
- Servir de lieu de réception pour l’organisation d’évènements pour les entreprises,
- Rentabiliser l’investissement lié à une nouvelle enceinte sportive et assurer des entrées d’argent en continu.
Ce dernier point est d’actualité en France, avec la rénovation des stades, et la crainte de devoir faire face aux mêmes problèmes que rencontrent aujourd’hui l’Afrique du Sud et la Chine.
Pensez-vous que ce modèle pourrait être suivi par certains clubs Français ?
Merci à Nicolas Lopez Fagundez pour sa disponibilité.
Vous pouvez consulter sur la page facebook de SPORTBIZinside des photos et des vidéos des musées.